Un acte d'autorité est aussi un acte
d'amour.
L’autorité parentale est un enjeu majeur, certains parents sont perdus
car ils ont le sentiment de livrer une bataille avec leurs enfants.
Ces parents sont en difficulté, ils aiment leurs enfants mais ne posent
pas de limites : soit parce qu’ils n’en voient pas la nécessité, soit
parce qu’ils cèdent face à la pression de leurs enfants.
Il est important de savoir que ce manque d’éducation
empêche l’enfant de se développer normalement, et va provoquer chez lui
des retards dans plusieurs domaines.
L’autorité est aussi un acte d’amour, il rassure l’enfant car un monde
sans limite est angoissant pour lui. On ne peut pas devenir humain sans
éducation, sans « humanisation ».
Civiliser, un enfant c’est lui apprendre
quatre principes :
on ne peut pas tout faire (frapper,
agresser) ;
on ne peut pas tout avoir ;
la sexualité est régulée;
un fonctionnement au ralenti ;
on ne réussit jamais sans effort
;
L’autorité parentale peut être contraignante certes mais elle n’est pas aliénante, car faite dans le respect de l’enfant, elle permettra à celui-ci de prendre confiance en lui, de se donner de la valeur. Arrivée à l’âge adulte, il s’imposera plus facilement car les autres ressentiront sa valeur, dont il sera lui-même convaincu.
Marcel Rufo :“ Un acte d'autorité
est aussi un acte d'amour ”
Interview de Marcel RUFO, pédopsychiatre/directeur médical de l'espace méditerranéen
de l'adolescence à l'Hôpital Salvator à Marseille.
Par Christine Roth-Puyo, ladepeche.fr le 28/06/2016.
Pourquoi est-ce si difficile d'être parent aujourd'hui ?
Avant, on était parent comme on l'était depuis des siècles. Aujourd'hui, on veut comprendre nos enfants en adoptant
une sorte de démocratie familiale. Mais, même si cela semble paradoxal, je dirais que les parents ont fait des progrès.
Sauf que beaucoup sont encore en faillite de "oui" et de "non". Ils n'ont pas encore compris que quand on dit
à un enfant "ça suffit, mais tu sais que je t'aime", le petit n'entend que la dernière partie de la réponse.
Est-ce la question de la sévérité qui est posée ?
Plus que la sévérité, c'est la question de l'autorité qui se pose.
On le voit à tous les étages de la vie. Avec les nouveaux pères qui sont
exceptionnels et que l'on doit applaudir des deux mains pour leurs capacités
relationnelles. Sauf quand leur part masculine est mise sous l'éteignoir
au profit de cette part féminine qu'ils assument grâce et depuis le féminisme.
Pourtant, face à un enfant, père et mère doivent garder
leur originalité.
La question de l'autorité se pose aussi au niveau de l'école.
Si un enseignant est sévère avec un enfant, les parents ont envie de protester tout en exigeant que l'enseignant
soit absolument parfait dans son enseignement. La nouvelle parentalité donne à l'école trop de responsabilité comme
si elle était en mesure de résoudre toutes les carences familiales. Du temps des hussards noirs de la République (au début du XXe siècle, N.D.L.R.),
il y avait délégation d'autorité à l'école. Maintenant, les parents sont suspicieux.
Quelle définition de l'autorité donneriez-vous ?
C'est assez simple. C'est savoir dire non pour que
l'enfant comprenne qu'un jour il pourra dire oui. Un acte d'autorité
est aussi un acte d'amour, une porte ouverte dans le futur sur une grande
liberté. Si on dit toujours oui à un enfant, il ne comprendra jamais qu'il
faut se soumettre parfois à la directive, au désir et à l'ordre de l'autre.
En pédopsychiatrie, il y a un moment très important qui a été bien décrit
par René Spitz. Il est normal dans l'évolution qu'un
enfant s'oppose. À 15-18 mois, il entre déjà dans ce stade du non. Que
faut-il faire ? Le laisser à ce stade infantile ou lui faire comprendre
qu'il ne dirige pas le monde ? En consultation, je vois des tas de tyrans
domestiques de 2-3 ans. Des gosses qui maîtrisent leur famille, ils ne
veulent pas s'habiller, pas manger, pas se coucher… ça n'existait pas
avant. En conséquence, ça prépare des adolescents pénibles. Je crois que
quand les parents demandent plus de sévérité, ils se trompent. Il faut
comprendre que la frustration fait partie de l'éducation.
Les grands-parents ont-ils un rôle à jouer ?
Ils sont parfois une ressource de cette autorité bienveillante qui les a conduits à élever leurs enfants.
C'est une autorité facile qui dit,"chez moi, tu ne joues pas à ta tablette, tu dis bonjour à ta grand-mère quand tu rentres,
tu te laves les mains avant de manger, tu parles avec ton grand-père de la greffe des citronniers, tu vas avec lui au match de rugby, etc."
Surtout, les grands-parents sont l'arbre de vie. Et c'est d'autant plus intéressant qu'ils sont à temps partiel.
Ils portent le passé vers un avenir pour qu'il reste vivant. C'est déjà énorme.
Trois quarts des Français rejettent la réforme des rythmes scolaires. Que leur répondez-vous ?
Pour les 15 % d'enfants qui arrivent au collège sans savoir lire ni écrire, c'est une réforme essentielle.
La chronobiologie a bien montré qu'un enfant a besoin de proximité dans les apprentissages et non pas de rupture.
Pour les gosses qui vont bien et dont les parents ont les moyens de les envoyer faire du théâtre, de la danse ou autre chose,
ils sont libres de ne pas utiliser les moyens mis en place par l'État ou les mairies. Mais ceux qui n'ont pas les moyens,
c'est quand même bien qu'ils aient une petite chance de pratiquer la culture, le sport, etc. Pour les 85 % restant,
on peut aussi se poser la question d'une autre manière. Est-ce que les enfants qui vont bien n'ont pas aussi mission
de s'intéresser très tôt aux plus fragiles pour que l'on soit une nation.
Cette enquête montre l'exigence des parents sur l'utilisation des écrans. Qu'en pensez-vous ?
À l'âge de 4 ans un enfant est déjà performant sur une tablette et bientôt il n'y aura plus que des tablettes à l'école,
les universités seront en ligne. Pour les enfants malades, les dyslexiques, les retardataires, c'est génial.
Les plus fragiles auront effectivement plus de risques de camper sur le virtuel parce qu'ils sont inhibés.
Mais c'est plus un appel au secours qu'une maladie. Quant à la télévision, elle est à la fois incontrôlable et un outil de connaissance.
Comme le sera la toile, très vite. Concernant les réseaux sociaux, il y a bien sûr les prédateurs qui guettent
et c'est là où les parents doivent être pédagogues. Pas de blague, pas de confidentialité, s'il le faut.