Le burn out : épuisement professionnel
Le burn out désigne un syndrome d’épuisement
professionnel et émotionnel. Sous l’effet d’une forte pression professionnelle
chronique, dépassant leurs capacités, certaines personnes peuvent connaitre
cet état de fatigue intense, qui est autant physique que psychologique.
La personne est submergée par ses soucis professionnels au point d’être envahie dans sa vie personnelle,
elle n’arrive plus à faire face et se « sent au bout du rouleau ».
Il ne faut pas confondre burn out et stress passager
: l’épuisement professionnel est une conséquence très grave de tensions
professionnelles importantes pour la personne, qui se maintiennent dans
le temps. Outre les multiples troubles de la sante du salarié et le coût
important pour la collectivité, l’entreprise et l’équipe de travail sont
fortement impactées.
“ Le burn out est un chagrin d'honneur ”. A l'heure où le rapport sur les risques psycho-sociaux
figure en bonne place sur le bureau du ministre du travail, le psychiatre suisse Davor Komplita,
spécialiste du burn out, explique les enjeux et dérives de ce qui pourrait bien être “ la maladie du siècle ”.
Par Davor Komplita, La Tribune.fr le 17/04/2011
Vous traitez des urgences psychiatriques de “ malades du travail ”.
Quels sont vos constats ?
LLes nouvelles formes d'organisation du travail s'évertuent à mobiliser et à s'approprier
la subjectivité des collaborateurs et, ce, à tous les niveaux de la hiérarchie.
La culture du résultat, des chiffres, de la performance,
de la gestion des projets et des évaluations, se développe dans une rupture croissante avec la réalité du travail humain.
Cette tension est hautement pathogène pour les individus qui, quant à
eux, se confrontent en permanence aux résistances de la réalité. Lorsque
je reçois un nouveau patient, il n'est souvent plus en état de rétablir
le dialogue. C'est trop tard. Un peu comme un cancer que l'on découvre
par hasard dans état très avancé. Mieux vaut un méchant divorce qu'un
fort burn out. Je découvre des pathologies que je
ne voyais pas il y a quinze ans. A l'époque quand cela n'allait
pas on changeait d'emploi.
Le deuxième constat est quantitatif : un tiers de nos
consultations spécialisées sont en lien avec la souffrance au travail.
Et la moitié des arrêts maladie à Genève en découlent. On ne peut donc
plus parler d'un élément anecdotique. Depuis quelques années les « burn
out » sont de plus en plus nombreux et fréquents.
Troisième constat : Nous sommes tous comme des aveugles
autour d'un éléphant, à le palper pour comprendre ce que nous voyons.
Le travail n'est pas simple à décrire et à appréhender. Beaucoup d'éléments
dépendent de la taille de l'entreprise, de son univers. Mais nous constatons
des invariants : l'isolement, l'absence de dialogue autour du travail.
On ne peut plus se parler du “ comment ”. D'où des conflits entre les gens
qui faute de pouvoir débattre et trouver les moyens de s'organiser, ne
se parlent plus que du “ qui ”.
Quels sont les symptômes ?
Oest comme lorsque vous êtes coincé en voiture
dans les embouteillages. On s'habitue. Au fait d'avoir une boule au ventre
en venant travailler le matin, à celui d'être inquiet à la perspective
de rentrer en réunion, et on finit par tirer la sonnette d'alarme de plus
en plus tard. Parfois l'état de délabrement des personnes qui viennent
à moi est tel qu'ils sont d'emblée mis en invalidité. Ils vont mettre
un temps fou à remonter la pente. C'est lié à la
nature psychopathologique du burn out. Scientifiquement il a été prouvé
qu'un cerveau soumis à un stress permanent et continu entre dans l'inhibition.
Le cerveau est à ce point rétréci qu'il tombe en panne. Au bout de plusieurs
mois les individus n'arrivent plus à penser et même « se penser ». C'est
un traumatisme réel. Résultat : la convalescence est beaucoup plus
longue qu'il n'y paraît. C'est un profil nouveau de dépression car il
est sans affect. Rien à voir avec un chagrin d'amour. J'appelle cela un
« chagrin d'honneur ». Car il relève de la perte de
dignité de l'être humain. Si la souffrance d'un individu ne suscite aucun
signe de compassion, son « je » n'existe plus. Ce qui détruit les gens
c'est de n'être plus rien aux yeux des autres. On ne souffre pas du travail,
on souffre de n'être plus rien aux yeux des autres. Ils disent en substance
« nous n'avons pas notre place dans ce monde là ». Il y a beaucoup de
tristesse, celle de l'effort fourni. Car il y a une trahison au sens clinique
du terme. Quand on impose à quelqu'un un paradoxe on le trompe. On accule
les individus à trahir leurs valeurs. Seuls règnent en maître les processus.
Les plus vulnérables, ce sont les quadras et les quinquas qui ont intégré
les valeurs du travail car leur dignité se joue là. Sans compter l'imposture
qu'ils vivent d'être évalué individuellement lorsque leur travail est
collectif. Ceux-ci n'ont aucun anti-corps pour lutter contre le mal. .
Mon rôle est de les aider à prendre de la distance par rapport à cette
notion de « travail bien fait » qu'ils ne peuvent plus exercer à cause
des multiples contraintes dans lesquels ils sont pris. En revanche les
générations X, Y et Z (de 35 à 18 ans) ont non seulement des anticorps
mais aussi des antidotes.
Lesquels ?
Le portable ! Avec, ils ne sont jamais séparés.
Et n'importe quel entretien inique a des chances de se retrouver sur Youtube.
Les solidarités perdues au travail sont en train de se recréer dans la virtualité.
Le totalitarisme de l'entreprise est photodégradable. Car la violence des rapports dans l'entreprise se déroule dans le secret,
souvent entre quatre yeux. La lâcheté est alors proportionnelle à l'isolement.
Le dialogue fait défaut car le pouvoir prend toute la place. Plus personne ne dialogue par manque de temps et de marge de manœuvre.
Dans bon nombre de situations, travailler consiste à résister à l'incohérence, voire à l'aliénation.
Les choses vont changer car les jeunes générations ont moins peur et sont moins naïfs. Exactement comme ceux des pays Arabes.
Mais la conflictualité pose encore aujourd'hui un problème parce que ce symptôme est mal pris en compte.
Vous proposez une solution d'un genre nouveau : l'arbitrage
Oui j'appelle cela le fait d'instituer une
« justice de paix dans l'entreprise » par le biais d'un
arbitre qui instruit les situations et peut investiguer les problèmes
au travail. Cela améliore non seulement la qualité du management et ses
perceptions mais permet également d'organiser le travail. On a trop tendance
à pathologiser les conflits c'est-à-dire à considérer que si les gens
vont mal c'est qu'ils sont malades et qu'il ne s'agit pas de douleur au
travail. C'est un déni de la réalité. De surcroît, lorsque l'on aide une
entreprise à soigner ses individus sans toucher au système, on transporte
le blessé ailleurs, qui une fois guéri reviendra se faire contaminer par
le système. Quelqu'un qui a un problème est aussi le symptôme d'un
déséquilibre collectif. On a su réduire l'usure physique au travail
(les TMS) mais on n'a pas travaillé à faire émerger les non-dits dans
les entreprises. Le travail humain est devenu invisible. Or sa valeur
ajoutée n'est pas dans l'organigramme et les processus mais dans ce que
font réellement les gens. Il faut soigner l'organisation par le dialogue
sur le travail, le management, les politiques et la stratégie. Car plus
il y a des prescriptions, plus les gens doivent se coordonner. La relation
au travail a ceci de différent avec la relation intime qu'elle se situe
dans le « faire ensemble » et non dans « l'être ensemble ». L'objectif
est de mettre en place une écologie du travail en récompensant les travailleurs
par de la considération et du temps. On a besoin de nouveaux horizons
car on ne peut plus parler vrai. C'est par cette capacité à établir une
nouvelle relation que les individus pourront renouer avec le travail.
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